PAGE FACEBOOK du Blog

https://www.facebook.com/monpaysimaginaire/

 

Billet Littéraire

 

9782070196678FSSynopsis

Lorsque Myriam, mère de deux jeunes enfants, décide malgré les réticences de son mari de reprendre son activité au sein d’un cabinet d’avocats, le couple se met à la recherche d’une nounou. Après un casting sévère, ils engagent Louise, qui conquiert très vite l’affection des enfants et occupe progressivement une place centrale dans le foyer. Peu à peu le piège de la dépendance mutuelle va se refermer, jusqu’au drame.
A travers la description précise du jeune couple et celle du personnage fascinant et mystérieux de la nounou, c’est notre époque qui se révèle, avec sa conception de l’amour et de l’éducation, des rapports de domination et d’argent, des préjugés de classe ou de culture. Le style sec et tranchant de Leïla Slimani, où percent des éclats de poésie ténébreuse, instaure dès les premières pages un suspense envoûtant.

240 pages en Grand Format

 

Mon avis

Voici le billet littéraire du fameux Chanson douce écrit par Leïla SLIMANI, publié en 2016 chez Gallimard, Collection Blanche, et primé au Goncourt.

Tout d’abord, je dois vous dire que Chanson douce est le premier ouvrage de la collection Blanche que je lis. La collection « Blanche », cela vous parle-t-il ? Je suis certaine que oui. Il s’agit de ces écrits publiés par les Editions Gallimard, partageant la célèbre couverture épurée couleur crème, avec pour seules différences le titre et les nom et prénom de l’auteur que trois quadrilatères – un noir et deux rouges – aux angles droits encadrent. Les romans de cette collection m’ont toujours impressionnée et même rebutée car j’avais la stupide idée que leur contenu m’était intellectuellement inaccessible car d’un niveau littéraire vraiment supérieur. Cela était sûrement dû à l’absence d’illustration de la première de couverture qui conférait alors aux écrits une aura thétique caractérisée par un texte au vocabulaire technique que seuls les initiés pouvaient saisir. Finalement, il n’en était rien et la lecture de Chanson douce a été extrêmement aisée et d’un niveau littéraire très accessible. Bref ! « On ne juge pas un livre à sa couverture », comme on dit. 😉

Ensuite, c’est une deuxième première-fois que m’a fait expérimenter Chanson douce : celle de lire un roman récompensé par le Prix Goncourt. Là encore, ces écrits primés au célèbre Goncourt m’impressionnaient et me rebutaient pour la même stupide raison du « niveau littéraire supérieur »… Chanson douce réunissait donc la couverture crème et le Prix Goncourt, autant vous dire que de moi-même, je n’aurais jamais osé lire la quatrième de couverture de ce gracieux ouvrage ! A propos du Prix Goncourt, je ne m’étendrai pas davantage car je ne connais pas du tout les critères d’attribution du prix, si tant est qu’il y ait des critères !

Bien ! Nous rentrons dans le vif du sujet, maintenant ? 🙂

En fait, attendez ! Avant de vraiment vous écrire sur Chanson douce, il faut que je vous parle un peu (beaucoup) de moi car ce billet littéraire tourne principalement autour de ma vie propersonnelle. « Propersonnelle » : voilà un adjectif inexistant qui qualifie très bien la fusion de ma vie personnelle et de ma vie professionnelle, car l’une ne peut exister sans l’autre. Comme Louise, je suis nounou. Comme Mary Poppins et Nanny McPhee, je suis nounou de grands enfants. « Nounou en périsco », comme j’aime dire. 🙂 En août, la famille dans laquelle je suis et moi allons entamer la quatrième année de notre belle histoire ; si vous avez lu les articles de l’onglet « Activités littéraires pour les enfants« , vous savez que je m’occupe de Clélia (12 ans) et Inès (9 ans) : je gère principalement la sortie d’école, l’accompagnement aux activités, le goûter, les devoirs, les jeux, les loisirs créatifs, culturels (botaniques, aussi !) et m’assure du bien-être familial (qu’ils savent parfaitement faire régner sans moi, en fait !). C’est bien simple, je considère les filles et leurs parents comme ma deuxième famille : nous nous portons mutuellement une immense affection, nous vouons un profond respect et chacun sait qu’il peut compter sur l’autre. Nous nous sommes plutôt bien trouvés, tous ! J’utilisais donc  le terme inventé « propersonnelle » car je n’ai pas une vie personnelle et une vie professionnelle franchement distinctes. La famille des filles fait partie de ma vie personnelle et mon âme est mon outil professionnel : quand je ne suis pas avec eux, je pense à eux (pas constamment non plus, je ne suis pas une psychopathe ! 😀 ) et j’ai plaisir à préparer les futures journées avec les filles en flânant sur le net pour trouver de nouvelles activités, en faisant les boutiques pour acheter des jeux, du matériel, etc. Et souvent, quand il y a des concours et des galas dans leurs activités, j’y assiste pour les encourager et partager ce moment avec elles et leurs parents. De leur côté, ils prennent bien soin de moi et m’apportent quotidiennement joie et bonheur (et ça, je vous jure, ça n’a pas de prix !). Pour leurs deux adorables filles, ils sont des parents formidables, attentionnés et aimants. Je ne leur trouve décidément aucun défaut ; ils sont merveilleusement fabuleux, je vous le dis. Bref ! vous l’avez compris, nous formons une entreprise plutôt harmonieuse, sereine et joyeuse.

Ce sont eux quatre qui m’ont offert Chanson douce. 🙂 La maman de Clélia et Inès l’a lu et s’est dit qu’il fallait absolument que j’en fasse de même ! J’ai rapidement compris pourquoi et m’en vais éclairer votre lanterne : ce roman raconte l’histoire d’un couple qui engage une nounou pour s’occuper de leurs deux enfants pendant qu’ils travaillent. Là, déjà, on sent bien l’identification. Mais attendez, ce n’est pas fini, la liste des similitudes ne s’arrête pas là ! Dans le roman, la maman est avocate ; alors, non, la maman des filles n’est pas avocate mais travaille dans le même domaine. Ensuite, les trois adultes du roman ont deux sujet de conversation à un moment de l’histoire : le terrorisme et l’immobilier ; figurez-vous que la veille de ma lecture, nous avons discuté terrorisme, la maman des filles et moi ; quant à l’immobilier, c’est une passion de leur papa que nous avons évoquée plusieurs fois. Enfin, deux autres similitudes m’ont interpellée : dans le roman, le papa s’offre une montre et cela semble important pour lui ; dans la vie, le papa des filles adore les montres ; la dernière me concerne : Louise, la nounou du roman a toujours du vernis au bout des ongles et… vous l’avez compris, je pense… j’ai toujours du vernis au bout des ongles et adore prendre soin de mes mains !

Voilà, voilà… Toutes ces petites similarités disséminées de-ci de-là plus l’affection que les personnages se portent ont fait que j’ai vécu la lecture de Chanson douce comme une fusion plutôt que comme une habituelle identification. C’en était bouleversant et même effrayant ! Pour moi, Myriam-la-maman était la maman de Clélia et Inès, Paul-le-papa était leur papa et enfin j’étais Louise-la-nounou. C’est le ressenti que la maman des filles et moi avons partagé et c’est pourquoi elle voulait que je lise ce roman. De notre point de vue, ç’a été une lecture comme on en rencontre peu dans sa vie.

Chanson douce m’a désagréablement collé à la peau pendant que je le lisais… Son histoire (pas toute l’histoire, fort heureusement !) et ses personnages ressemblaient tellement à ma réalité que la fiction et le réel se fondaient, se confondaient… C’était difficilement supportable au regard de l’abominable drame qui se profilait au fil des pages ; car dès le début, nous savons que Louise tuera les enfants de Myriam et Paul… Puis le récit fait un flash-back, nous assistons à la banale rencontre de Louise, Paul, Myriam et leurs enfants et… nous nous demandons comment et pourquoi Louise en viendra à commettre l’irréparable alors que tout commençait si bien.

Les similarités que j’ai listées plus haut ont petit à petit installé un mécanisme d’identification maladive, une totale fusion, donc. Plus les similitudes s’accumulaient, plus j’avais l’impression que le fictionnel grignotait le réel, tant et si bien que la peur irréelle de la fiction envahissant et prenant le contrôle de ma réalité s’imposait à mon esprit et me rendait presque folle : je ne voulais pas devenir Louise, je ne voulais pas être Louise… Au début du roman (au second début du roman, disons), des ressemblances s’installaient entre Louise et moi : nous prenions notre travail à cœur, nous investissions pleinement, aimions la famille dans laquelle nous travaillions, vernissions nos ongles… Mais avec l’ombre menaçante des meurtres planant au-dessus de nos têtes, ces ressemblances me dérangeaient et j’en venais même à me demander si je n’étais pas aussi insouciamment déséquilibrée qu’elle devait l’être. Puis j’ai noté les failles de Louise, les instants-charnières qui nous différenciaient enfin ! Ces différences ont été des bouffées d’oxygène me permettant de remonter à la surface du personnage de Louise dans lequel je manquais me noyer. Petit à petit, la personnalité tourmentée de Louise s’est dessinée ; morbidité et perversion ont finalement émergé, esquissé une psychose et prédit le pire…

Voilà ce à quoi j’ai pensé en lisant Chanson douce… J’ai beaucoup cogité comme vous pouvez le constater. Plus que jamais, mon avis sur ce roman est personnel et subjectif ; vous ne vivrez pas cette lecture de la même manière. Pour moi, il a été addictif, dérangeant et interrogatif : je n’ai eu de cesse de me demander si je n’étais pas trop ceci ou trop cela dans mon lien à la famille des filles, si une dépendance ne s’était pas installée entre nous, si je n’étais pas trop intrusive, si nous étions tous bien sereins les uns par rapport aux autres, etc. Encore une fois, la littérature a été l’instigatrice d’une remise en question et d’une mini-auto-psychanalyse (coucou, Freud !).

Du côté de la qualité littéraire, c’est juste comme il faut. Tout s’enchaîne, les phrases glissent les unes à la suite des autres et il n’y a pas un mot plus haut que l’autre ; Leïla Slimani nous raconte une histoire et nous l’écoutons.

Chanson douce a donc été une lecture particulière car il m’a parlé comme jamais et a fait tourner mon esprit analytique et réflexif à plein régime. Puis je suis ravie d’avoir lu mon premier Collection Blanche et mon premier Prix Goncourt ! D’ailleurs, je prévois de lire Boussole de Mathias Enard, primé au Goncourt en 2015. 😉

Allez, à très vite ! :-*

 

Photo & Synopsis : Decitre.fr